3 Juin 2012
Commençons donc par le commencement en remontant bien loin dans le passé de ce lieu mythique
Géographiquement,la Butte de Montmartre,est une colline s'élevant à 100 mètres au dessus du niveau de la Seine et à 127 m d'altitude. Elle fut longtemps considérée comme la "Butte Sacrée" dite le Mont de Mars ou Mont du Martyre Selon certains historiens car elle était autrefois occupée par un temple du Dieu Mars (Mons Martis) et était, étymologiquement le "Mont Martial de Paris".
D'autres, plus tard, en ont fait le théâtre du martyre de Saint Denis, premier évêque de Paris, vers 250 en partie à cause de la Légende Dorée de Saint Denis qui raconte qu après avoir été décapité devant un temple romain dédié à Mercure,Saint Denis se releva ,prit sa tête entre ses mains puis parcourut les 6 Km qui séparaient Montmartre de Saint Denis.
Il finit par tomber devant une veuve pieuse, Catula, qui le fit inhumer suivant les rites de la religion chrétienne.Sur sa tombe elle planta du blé pour la dissimuler et c'est à cet endroit que Sainte Geneviève, en 475, fit ériger la Basilique de Saint Denis que l'on voit toujours fort bien de nombreux endroits de la Butte.
Dès le 6 ème siècle, en haut de la butte se trouvait un petit hameau, d’une chapelle et son cimetière. C’était la propriété des moines de Saint Martin des Champs, qui reçurent en don le Sanctum Martyrium situé à mi hauteur de la butte sur l'emplacement d'un ancien "champ des morts", un cimetière de chrétiens persécutés, fut élevée au 9eme siècle, refaite en 1134 et comportait une crypte à laquelle on accédait par un escalier de quinze marches puis un autre escalier de 45 marches, à l'époque déjà effondré.
Il menait, disait-on,au temple romain devant lequel Saint Denis avait été executé C est ainsi que le nom de la colline a été transformé, sous l'influence de l'église chrétienne, en Mons Martyrum ou "Mont du Martyre" en français.
Mais en 1133 le Roi Louis VI sous l'influence de sa femme, Adélaïde de Savoie, décida de faire construire à l'emplacement du Sanctum Martyrium un monastère de femmes qui sera occupé jusqu'à la Révolution par l'Ordre des Bénédictines et ruiné en 1794.
Le 15 août 1534 un certain Ignace de Loyola avec six de ses compagnons : le gentilhomme navarrais François Xavier, Simon Rodriguez un boursier du Roi du Portugal, deux anciens étudiants d'Alcala Jacques Laynez et Alphonse Salmeron, un autre Espagnol Nicolas Alonso de Bobadilla, se rend dans la petite chapelle des Martyrs et, après que Pierre Faivre, le seule prêtre du groupe ait célébré la messe, Loyola décide de prêter serment et de fonder l'ordre de la Société de Jésus.Ainsi naquit l'Ordre des Jésuites à Montmartre en 1534.Leur serment était :
"Voeu de pauvreté, de chasteté et de s'embarquer pour Jérusalem ou en quelque pays du monde que ce soit, chez les fidèles et les infidèles et au retour de se consacrer, avec l'aide de Dieu au salut des infidèles non moins qu'à celui des fidèles par la prédication, l'éducation, la confession et l'administration de l'Eucharistie sans recevoir aucune rémunération".
Cette association à but non lucratif ou presque fut déclarée directement au Vatican au lieu de l'être auprès de la préfecture de Paris, d'ailleurs six ans plus tard en 1540 le Pape Paul III reconnut par une Bulle, cet ordre sous le nom de Compagnie de Jésus.
Petite parenthèse importante dans l'Histoire de France,c'est aussi de Montmartre qu'en 1589 Henri de Navarre, futur Henri IV, bombarda la ville occupée par la Ligue
Avec la révolution de 1789 et les années de terreur qui suivirent l'abbaye des Bénédictines fut détruite et la plupart des pierres du Monastère, ou Abbaye de Montmartre, serviront quelques années plus tard à consolider les maisons de la Butte.La Butte elle même ainsi que les moulins.
A l'époque bonapartiste, vers 1809, Napoléon venu inspecter la Butte et surtout se rendre au télégraphe Chappe sis près de l'église Saint Pierre, emprunta le "Vieux Chemin" alors seule voie d'accès au sommet de la butte, exception faite de la rue Ravignant qui menait à l'ancienne abbaye des Bénédictines détruite en1794, mais ce "Vieux Chemin" était en si mauvais état et la pente était si raide, que Napoléon dut mettre pied à terre tant et si bien qu'il arriva en sueur et assoiffé sur le parvis de Saint Pierre où il fut reçu par un Curé du nom de Du Caire de Blazer, qui lui offrit du vin de la Butte,afin que l'empereur puisse se désaltérer.
Profitant de l'occasion il lui demanda si cela serait possible de construire une voie carrossable.
Napoléon eut du mal à ne pas accepter et donna des ordres afin qu'une rue soit percée.C'est ainsi que naquit la rue Lepic qui porta tout d'abord le nom de la rue de l'empereur.Elle demeure toujours l'une des rues les plus caractéristiques de la Butte.Le dernier carré des Bonapartistes !C'est également là qu'eut lieu, en 1814, les derniers combats entre Français et Russes.
On ne peut évoquer Montmartre sans parler de ses fameuses carrières.D'ailleurs la fin du XIXe siècle les carrières s'étendaient sur plus de 300 km de galeries ! Certaines salles sont si immenses qu'elles pourraient facilement contenir l'arc de triomphe et même la cathédrale Notre Dame.
Tout d'abord un carrier acheta le lieu où s élevait la Chapelle des Martyrs et la fit disparaître ainsi que ses deux cryptes donc, probablement le petit Temple de Mercure.
Mais, cependant, la première hypothèse liée au Dieu Mars est pleinement justifiée car les hauteurs de Montmartre dominent toute la ville et ont souvent joué un rôle important dans les différents sièges de Paris.
Puis les Grandes Carrières de Montmartre firent leur apparitions ainsi que la sarigue de Cuvier grâce au Gyspe dont la Butte Montmartre est riche. Et c'est avec ce fameux gypse, dont un gisement rare dit "en fer de lance", exploité depuis l'époque gallo-romaine et transformé par les nombreux fours à chaux présents sur la butte, que l'on confectionnait le plâtre le plus fin et le plus réputé tant pour la construction que pour les moulages ; le plâtre de Paris ou "Blanc Parisien". Il fut évidemment utilisé à grande échelle dans la capitale ce qui fut à l'origine de cette affirmation montmartroise :
"Il y a bien plus de Montmartre dans Paris que de Paris dans Montmartre !".
Mais le gypse de Montmartre fut surtout rendu mondialement célèbre grâce à Georges Cuvier (1769- 1833) fondateur de la paléontologie grâce à la sarigue de Montmartre ! Sachant qu'il s'intéressait aux fossiles, que l'on imaginait à l'époque comme des traces animales d'avant le déluge, on lui amena l'empreinte de la patte d'un petit animal quadrupède trouvé par un ouvrier carrier dans le gypse de Montmartre.
Voulant en savoir plus il se rendit sur place où il ne tarda pas à découvrir la tête et la mandibule de cet animal qu'il compara aux ossements d'un marsupial d'Amérique du Sud, la sarigue.Il en déduisit que le climat de la région parisienne avait donc été tropical.
Ce qui se confirma par la suite lorsqu'on retrouva, par exemple, dans les mêmes carrières de Montmartre des fossiles de crocodiles.
En 1850, la butte de Montmartre était considérée comme une commune à part entière grâce aux revenus de ses Grandes Carrières qui l'enrichirent .
Mais d'un autre côté ces carrières furent la cause de la disparition des nombreuses sources de la butte dont certaines rues évoquent encore les noms : rue de la Fontaine au But (juste en face du métro Lamarck Caulaincourt). De lavoirs, d'abreuvoirs et d'une fontaine peu catholique Il s'agissait en effet, de l'ancienne "Fontaine au Bouc" qui s'est peu à peu transformée en "Fontaine au Buc" puis en "Fontaine au But" lors des multiples recopies du cadastre.Le fait qu'un relief désignant la luxure ,représentée par un homme à tête de porc chevauchant à l'envers un bouc dont il relève la queue se retrouvant sur l enceinte de l'église Saint Pierre, voisine de la fameuse fontaine lui value sûrement ce nom entre autre.
Cette "Fontaine au Bouc", donc au Diable, était, en effet, le lieu de rendez-vous des fils de bonne famille et des demoiselles de petite vertu, souvent des lavandières de la Butte, qui arrondissaient leur revenus et qui s'entendaient souvent avec le gang des Apaches pour dépouiller leurs clients quelque peu éméchés à leur retour sur Paris lorsqu'ils passaient par le "maquis".
En 1870 la commune de Paris arriva avec son cortège de batailles dont celle du 18 mars 1871 où les soldats révoltés après avoir fusillé les généraux Clément Thomas et Lecomte, s'emparèrent des canons confiés à un régiment de Gardes Nationaux,qui se trouvaient installés à Montmartre. Les canons de la Butte étaient aux mains des Communards
Ce fut alors le début de l'insurrection de la Commune qui dura du 18 mars au 28 mai. Le 24 mai, les Versaillais réussirent à reprendre les canons de Montmartre aux insurgés et tournèrent ceux-ci vers les Buttes Chaumont et le Père Lachaise désorganisant les défenses parisiennes.
Ordre du jour :
la reprise des canons de Montmartre, des Buttes Chaumont et de Belleville par les Versaillais !
Ce fut le tournant décisif de la bataille au profit des Versaillais. Ce qui fit dire à Thiers "Qui tient Montmartre tient Paris".
En 1873 afin d'effacer à la fois la défaite de 1870 et le désordre de la Commune. Il fut décidé et déclaré même comme d'utilité publique, de la construction d'un monument expiatoire qui serait le plus imposant de Paris et qui se situerait sur son plus haut lieu et déclaré comme d'utilité publique.
La Butte de Montmartre fut donc choisie et les travaux commencèrent en 1875 sur les plans d'un certain Abadie dans le style romano-byzantin qui rappellerait la Cathédrale Saint Front de Périgueux.
Mais, à la suite de très nombreux problèmes en 1884 on en était encore aux fondations !Celles-ci nécessitèrent 83 puits de maçonnerie de 38 mètres de profondeur reliés par des arcs de pierre de taille..Il commença à servir de lieu de culte dès 1891 mais en 1914 n'était pas encore achevé.
On construisit en même temps un réservoir d'eau puis une tour-lanterne, le campanile, qui devait contenir, dès 1907, une énorme cloche d'environs 18 tonnes surnommée la "Savoyarde".
Le campanile du Sacré Coeur fut à l'époque considéré comme le premier "gratte-ciel" de Paris.
Tous ces chiffres font un peu oublier que, dans son ombre, se situe l'Eglise Saint Pierre, la plus ancienne de tout Paris qui fut consacrée en 1147 par le Pape Eugène III.
Un second martyr moins connu que Saint Denis hante Montmartre si l'on puit dire ainsi puisse que
c est son manque de religion qui le mena au supplice.Il s'agit cette fois du chevalier François Jean de La Barre qui fut supplicié et brûlé vif à Abbeville pour avoir omis de saluer une procession religieuse. Ainsi lorsqu'on lui en fit la remarque,il eut la mauvaise idée de déclarer ne pas avoir à se décoiffer ni à sortir les mains de ses poches pour des bondieuseries.Ce qui lui valut d avoir les jambes brisée la langue arrachée puis la main droite coupée avant de monter sur le bûcher.
1772 les Montmartrois souhaitèrent qu'une rue portant son nom lui fut dédiée mais elle ne fut réalisée qu'en 1868 par la réunion de deux rues à savoir la rue des Roses et la rue de la Fontenelle.
C'est au numéro 35 de cette rue que fut érigée en premier lieu une statue à son effigie et petite anecdote historique ce fut juste au 36 de la même rue que furent fusillé les généraux Clément Thomas et Lecomte entrainant le début de la commune.Ensuite la statue du Chevalier fut ensuite déplacée, en 1926, dans un square afin de la dissimuler aux regards des fidèles qui finissaient par se poser quelques questions.
Puis elle fut fondue en 1941, soit disant pour récupérer le métal, alors que l'immense majorité des statues de Paris y échappèrent.Depuis cette date le socle demeurait désespérément vide,au grand mécontentement de certains qui trouvent que le Sacré Coeur prend décidément trop de place en tirant à lui toute la couverture de la Butte.
Mais Montmartre ayant toujours été anticonformiste a situé l'adresse postale officielle de la Basilique du Sacré Coeur de Montmartre au 35 rue du Chevalier de la Barre !
Voilà pour le moment Bourriquet & Cie vous emmènera dans un prochain voyage explorer, plus en profondeur cet fois le fameux maquis ainsi que les vignes de la butte et ce qui en découla par la suite.Quant aux prestigieux moulins Montmartrois, eux feront l objet sans aucun doute d'un troisième ballade dans l' histoire passée de ce quartier si cher à mon coeur...
Textes de Bourriquet & Cie (10 fevrier 2009)
Sources.... SUPERBE BLOG
http://loopyetcie.vefblog.net/9.html
1870