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    Le Cimetière des Innocents

    Le cimetière des Innocents était situé au centre de Paris, près de l’actuel quartier des Halles. Il tient son nom de l'église voisine aujourd'hui disparue, dédiée aux Saints-Innocents. Elle s'élevait au coin de la rue Saint-Denis et de l'ancienne rue aux Fers, vers l'angle nord-ouest de l’actuelle fontaine des Innocents.


    En 1186, le roi Philippe-Auguste soucieux de la salubrité publique décida d’emmurer le cimetière pour contrer le désordre qui y régnait.

      

      Avec la forte croissance de Paris, le cimetière se retrouva inclus dans l’enceinte de la ville et il ne pu s’agrandir. A cette époque il devait être ouvert le jour et fermé la nuit mais avec le temps, cette rigueur ne fut pas respectée.
    Le cimetière initialement dédié aux paroissiens de l’église de Saint Germain l'Auxerrois fut rapidement utilisé par d’autres églises, hôpitaux et communautés. Ce sont près de 20 paroisses et hôpitaux qui y déposaient quotidiennement leurs morts.

    Au début du XIVème siècle, son sol était déjà saturé et posait des problèmes d’insalubrité. Afin de libérer les fosses, des galeries furent construites le long du mur intérieur d’enceinte pour recevoir les ossements. La terre était réputée pour digérer les corps en moins de neuf jours, périodiquement, les squelettes étaient déterrés et empilés sous les toits des galeries.

        

    D’abord construites indépendamment les unes des autres, elles se regroupèrent et devinrent des charniers. Seules les couches superficielles des fosses furent vidées, le fond étant impossible à atteindre. Le cimetière recevait nombre de corps lors des épidémies, fréquentes et dévastatrices. Lors de l’épidémie de peste de 1348, 500 inhumations avaient lieu chaque jour. Pour celle de 1418, 50 000 corps furent enterrés dans le cimetière en cinq semaines et l’équivalent pour l’épidémie de 1466.

    Le cimetière a toujours été un lieu très fréquenté, malgré l’insalubrité, il servait au XVè siècle de promenade populaire dans une des parties les plus fréquentées de Paris.  

    Les français de la fin du Moyen Age connurent les épidémies, les famines, les guerres, leur vision du monde fut profondément modifiée : cela se traduisit par l'apparition de nouvelles représentations de la mort. Ecrivains, artistes, badaus, commerçants mais aussi prostitués, profanés par le crime fréquentaient le cimetière, c’était un endroit à la mode pour rendez-vous galants, un lieu d'échanges.

    Pourtant le lieu n’avait rien de salubre les fosses étaient juste recouvertes de quelques planches et des amoncellements d’ossements et cadavres pourrissants au sol étaient visibles partout, les chiens errants venaient s’y nourrir. Il était ouvert à tous, même la nuit, cela donnant lieu à des désordres que les riverains dénonçaient. De plus, les riverains y jetaient leurs ordures et immondices, c’était un dépotoir publique.

    Sous les charniers, malgré l’odeur et l’humidité, se côtoyaient les petits métiers : drapiers, écrivains, vendeurs de livres. Malgré l’interdiction d’y faire commerce, les vendeurs savaient y rencontrer leur clientèle. Le quartier des halles était à l’époque une véritable plaque tournante du commerce à Paris, et était constamment encombré par les charrettes des livreurs. Durant plusieurs siècle, près de 1.200.000 cadavres furent entassés dans ce cimetière, le plus important de Paris.
     

    Conformément à la Déclaration royale du 10 mars 1775, il est fermé en 1780 puis vidé en 1786 pour des raisons sanitaires. Ses ossements transféré aux catacombes, dans les anciennes carrières de Paris.

    http://img232.imageshack.us/img232/7537/fontainedesinnocentsdo0.jpg

      

    Vie de mort d’un cimetière : les Innocents

    Pour ceux qui n’ont pu être là lors de la visite évoquant la mort au cœur de Paris (faite par l’APPL le 19 juin dernier), cet article à pour but de présenter un quartier bien connu des Parisiens à différentes étapes de son histoire. L’occasion est belle, grâce aux magnifiques lithographies de Hoffbauer, de montrer que derrière les vitrines clinquantes de notre Paris moderne se dissimulent encore, pour qui veut les voir, les vestiges du vieux Paris.

    Les origines

    On ne sait pas exactement de quand il date, mais on sait qu’il existait déjà au Xème siècle. Il était alors « hors les murs ». Un vieil oratoire fut remplacé en 1137 par Louis VI par une nouvelle église dédiée aux Saints Innocents, en référence aux enfants massacrés lors de la naissance du Christ par Hérode, selon la tradition biblique.   

    Philippe-Auguste l’agrandit avec l’argent pris aux Juifs, et fit édifier un mur de 3 mètres de haut. Il devint progressivement le cimetière des paroisses de la rive droite, mais également des noyés de la Seine et des morts par épidémies, ce qui faisait beaucoup de monde... Au XIVème siècle furent mis en place des charniers pour accélérer le processus de disparition des défunts (les os étaient disposés à l’air : c’est le principe du pourrissoir).

    Au XVème siècle, une magnifique danse macabre fut peinte sur le charnier des Lingères.

    Les Innocents en 1550

     

    la superficie du cimetière faisait un peu moins du double que celle de la place actuelle. Au fond, la rue St-denis bordée par l’église des Saints Innocents et longée par le charnier de la Vierge. A gauche, la rue aux Fers

    (actuelle rue Berger) et le Vieux charnier.

    A droite, la rue de la Ferronnerie et le charnier des Lingères. On remarque le faible nombre de monuments : on enterrait dans des fosses communes assez superficielles. Quelques édifices néanmoins : le prêchoir (au centre), destiné aux prêcheurs itinérants, la Tour Notre-Dame des bois, sur la droite. En 1549, à l’occasion de l’entrée royale de Henri II après son sacre, Goujon fut chargé de construire une fontaine monumentale. Elle fut placée contre les flancs de l’Eglise, ce qui explique que l’on ne la voit pas.

     

    Les Innocents en 1750

     

    La physionomie du cimetière a peu changé, à l’exception de son flanc droit. Louis XIV ayant fait agrandir la rue de la Ferronnerie, il fit détruire l’ancien charnier des Lingères (et la danse macabre avec lui !). A la place, fut édifier un immeuble de rapport en 1669 qui existe toujours. A sa base, un nouveau charnier fut construit sous les arcades. On remarque que cet immeuble était à l’époque en équerre, la seconde partie bordant la rue Saint-Denis. Le charnier de la Vierge ayant disparu lui-aussi, seul le vieux charnier demeure.

    Les Innocents en 1850

     

    le site a bien changé et n’est pas sans rappeler le site actuel. Pour des raisons d’hygiène, le cimetière fut fermé en 1780 : on estime que 2 millions de Parisiens y avaient été inhumés depuis son ouverture. La couche superficielle d’ossements fut amenée de nuit aux catacombes, l’église et le vieux charnier furent détruits. En 1788, on y ouvrit un marché et des préaux (visibles) furent édifiés en 1811. La fontaine, anciennement contre l’église, fut déplacée au centre : on y ajouta une quatrième façade.

    Ce marché, absorbé par les Halles centrales, fut fermé En 1858. La partie ouest étant bâtie, la place fut raccourcie et la fontaine déplacée une dernière fois en 1865 à son emplacement actuel. Aujourd’hui, des arbres remplacent les préaux mais la fontaine demeure. L’immeuble et Les charniers de 1669 sont encore apparents dans certaines boutiques donnant sur la rue de la Ferronnerie : ils servent maintenant de présentoirs à chaussures !!... Philippe Landru

    Sources : Les Echos de l’APPL N° (APPL 2005)

    Documentation : Philippe L.

     

     

    Cimetière des Innocents en 1785

    Les Innocents en 1785.


     

    Halles, boucherie de Beauvais et  cimetière des Innocents 

     

    Noter la proximité fâcheuse de la Boucherie de Beauvais et du cimetière des Innocents. Cimetière dans lequel, jusqu'à la clôture sur ordre de Philippe Auguste, les cochons pouvaient fouiller les tombes...

     

    « Ce charnier des Innocents servait au XVè siècle de promenade populaire dans une des parties les plus fréquentées de Paris, à côté de l'église des Innocents démolie en 1786, laquelle s'élevait au coin de la rue Saint-Denis et de l'ancienne rue aux Fers, vers l'angle nord-ouest du square des Innocents ». J. Huizinga L'automne du Moyen Age.

     

    Des écrivains publics proposaient leurs services. Des commerçants, libraires, marchands, marchandes de mode, s'installaient entre les tombes pour vendre des marchandises de deuxième choix. Des dames venaient proposer leurs charmes plus ou moins attirants.

      

    "Après une franche repue,
    J’eusse aimé, toute honte bue,
    Aller courir le cotillon
    Sur les pas de François Villon,

    Troussant la gueuse et la forçant
    Au cimetière des Innocents,
    Mes amours de ce siècle-ci
    N'en aient aucune jalousie..."

    Georges Brassens

      

    On y trouvait également un pilori, où la foule pouvait conspuer les condamnés.

     

    Enfin, c'était un lieu apprécié des prédicateurs : selon le Bourgeois de Paris, le frère franciscain Richard prêcha 10 jours consécutifs, dos tourné à la fresque de la Danse Macabre. Nul doute que son discours sut tirer parti du caractère des lieux. 

    Les cochons venaient fouiller le sol pour se nourrir dans les tombes creusées à faible profondeur, du moins jusqu'au règne de Philippe Auguste qui fit enclore le cimetière. La terre était réputée pour faire fondre les chairs en moins de neuf jours! Périodiquement, les squelettes étaient déterrés et empilés sous les toits des galeries.


    Le cimetière fut détruit en 1786 sur ordonnance du Parlement qui fit valoir d'indubitables raisons hygiénique : en 1780, un restaurateur de la rue de la Lingerie eut la surprise de découvrir que sa cave s'était remplie en une nuit de cadavres à divers stades de putréfaction : le mur mitoyen venait de céder sous la pression de la fosse. Le sol fut alors tamisé et les ossements correspondant à plus d'un million de corps furent transférés dans les carrières de la rive gauche, les catacombes.

     

    ANECDOTE :

    D'après mes sources ce sont près de 2 millions de cadavres qui furent enterrés au Cimetière des Innocents. Il fallut 15 mois pour déménager le cimetière aux catacombes en 1786-1787. On enleva seulement 1m60 de terre et d'ossements sur toute l'étendue du cimetière (80 mètres sur 100), ce qui veut dire qu'il reste encore de nombreux mètres d'ossements en dessous, mais cela représenta quand même le déblaiement de 10 000 m³ de terre et ossement qui remplirent des milliers de tomberaux. Le cortège funèbre formé de chars recouverts d'un drap mortuaire, accompagnés de prêtres en surplis chantant l'office des Morts se renouvella chaque soir au déclin du jour pendant quinze mois, sauf durant les chaleurs d'été.

    Sur cette vue satellite de Paris je vous ai mis l'emplacement exact du cimetière. J'ai indiqué avec des flèches les 4 entrées du cimetière. L'entrée sud-ouest était l'entrée principale.

    Pour la légende:
    1- église des Innocents
    2- les charniers
    3- chapelle d'Orgemont
    4- chapelle de Villeroy
    5- prêchoir, petit édifice couvert d'un toit pointu qui abritait les prédications le jour des Morts ou lors de la fête des Saints-Innocents
    6- tour Notre-Dame-des-Bois, problement une lanterne, de forme octogonale et comportant trois niveaux, était l'édifice le plus ancien du cimetière
    7- croix des Bureaux
    8- croix des Buis
    9- maison du gardien (!) 

     

    Une fois de plus un fait nouveau fit évoluer la situation. Un incident spectaculaire se produisit à point nommé : le 30 mai 1780, rue de la Lingerie, à la limite sud du cimetière des Innocents, le mur d'une cave de deux étages céda et des centaines de corps envahirent le local dans une atmosphère pétride, intoxiquant les habitants de la maison, tandis que les murs des caves voisines se fissurèrent. La paroi latérale d'une fosse commune de plus de 15 mètres de profondeur, ouverte quelque six mois plus tôt et destinée à reçevoir mille huit cent corps, n'avait pu resister à la pression. Le scandale fut tel que le 4 septembre de la même années, le Parlement, après enquête, ordonna la fermeture du cimetière des Innocents et l'interdiction des inhumations à partir du 1er décembre.

    Le rapport de Cadet de Vaux du 30 mai 1780 avait également fait état d'incidents graves : un habitant de la rue de la Lingerie descendant dans sa cave s'était vu éteindre sa flamme de lumière par les exhalations émanant de la fosse commune mitoyenne ; des cas d'intoxications avec vomissements ainsi que d'intoxications cutanées touchaient certains propriétaires de caves adjacentes.

    On décida quand même de laisser le cimetère des Innocents reposer pendant 5 ans avant de transférer les débris mortuaires de trente générations de parisiens.

     

    le charnier et la Danse Macabre


     Charnier et Danse Macabre. 

     

    le grand squelette. Actuellement au Louvre

     

     

     

    « L'an 1424 fut faite la danse macabre aux Innocents, et fut commencée environ le moys d'Août et achevée au Carême ensuivant ». Journal d'un bourgeois de Paris.  

    Les français de la fin du Moyen Age ont connu la Peste, les famines, les guerres civiles et les ravages de l'étranger. Leur vision du monde en fut fortement modifiée : cela se traduisit par l'apparition de nouvelles représentations de la mort. Les gisants ne sont plus des corps parfaits attendant la résurrection mais des charognes purulentes, rongées par les vers, dont le ventre a éclaté. Témoin, le grand squelette des Innocents. Restaurée des deux bras vers 1789, la statue est actuellement au Louvre. On peut

      

      

    lire sur son écu les vers suivants :


     

    "Il n'est vivant tant soit plein d'art

     

    Ne de force pour résistance

     

    Que je ne frappe de mon dard

     

    Pour bailler aux vers leur pitance

     

    Priez Dieu pour les trépassés"


     

    Pour autant, cette complaisance pour les images de mort est plutôt représentative de la vitalité des hommes : si la vie est aussi brève et qu'elle peut s'achever sans préavis, elle doit être vécue passionnément...

     

    "La guerre avons, mortalité, famine,
    Le froit, le chault, le jour, la nuit nous myne;
    Quoy que façons, tougjours nostre temps court;
    pulce, cyrons et tant d'autres vermine
    Nous guerroyent. Bref misère domine
    Nos meschans' corps, dont le vivre est très court...

     

    ...Si tu vas à Saint-Innocent
    Où il ya d'ossements grand tas,
    Ici ne congnoistras entre cents
    Les os des gens de grand estas
    Ceux qui sont vifs, Pape, Empereur et Roys,
    Viendront aussi à ce piteux arroy"

     

    Meschinot (né en 1420)

      

    Comme en réponse aux vers de Meschinot, dans la Danse Macabre peinte aux Innocents, les morts saisissent les vivants. Et ils n'épargnent personne, puissants ou misérables. Ils rappellent aux vivants : " Telz comme vous un temps nous fumes, Tel serés vous comme nous sommes"...

     

    On ne connait pas de réel précurseur à cette fresque, détruite en 1786, même si les poètes et les peintres ont souvent évoqué la mort, au long du Moyen Age. En témoigne par exemple le dit des "Trois morts et des trois vifs", dont on trouve des manuscrits dès le XIIIème siècle et qui donnera lieu à des fresques dans diverses églises de France.


     

    dit des trois morts et des trois vifs, Bois gravé XV ème siècle?

     

     Mais la fresque des Innocents est tellement en accord avec la mentalité du siècle que le prototype parisien diffusera dans tous les pays européens par des copies ou des gravures sur bois ...

     

    On ignore l'origine du mot Macabre. Le mot semble apparaître sous la plume de Jean Le Fèvre, mort en 1387, dans le "Respit de la mort" :


     

    "Je fitz de macabre la danse

    Qui toutes gens mène à la tresse

    Et à la fosse les adresse ... "


     

    Vient il de Judas Macchabée (le Marteau), un guerrier juif? Des livre bibliques des Macchabées dans lesquels on évoque la prière pour les morts ou la résurrection et qui seront pour cela utilisé dans le cérémonial chrétien? Du mot arabe "maqâbir" signifiant cimetière?


     

     

     

      

     

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